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Que faire en cas de décès d’un proche si celui-ci est locataire ?

Interview de M. Peter Forster, directeur de la gérance chez Cogestim SA

  • Les héritiers ont-ils la responsabilité du bail de la personne défunte ? Le décès met-il fin au contrat de bail ?          

Il s’agit là d’une double question épineuse. En matière de succession, l’ensemble des droits et obligations du défunt (« de cujus » en langage juridique) passent à ses héritiers et ce dès l’ouverture de la succession, du seul fait du décès. Les héritiers sont donc « saisis » des droits et obligations du défunt dès l’ouverture de la succession, malgré le fait qu’il leur est encore loisible de répudier la succession. En vertu des dispositions légales en matière de droit du bail, le bail passe aux héritiers. Il s’en suit que l’hoirie qui forme une communauté devient le locataire et reprend les droits et obligations qui découlent du bail.

  • Si les héritiers décident de résilier le bail, doivent-ils tous signer la lettre de résiliation ? 

S’il y a plusieurs héritiers, ils acquièrent ensemble l’universalité de la succession ; ils forment donc une communauté héréditaire dite « hoirie » et sont propriétaires en main commune du patrimoine et des droits du défunt. Ceci implique que les actes juridiques doivent être formulés de manière conjoints et unanimes et la résiliation, en particulier, signée par tous.

  • Dans le cadre du droit du bail, les héritiers doivent-ils produire des documents particuliers lors du décès du locataire ? 

Dans ces moments de deuil, souvent synonymes de phase de vie émotionnellement chargée et compliquée, il y a effectivement besoin de documents officiels pour pouvoir effectuer des démarches administratives et en matière de contrat de bail. En premier lieu, il faut demander un certificat de décès qui, idéalement, devrait être accompagné de l’indication de l’identité des héritiers pressentis. Puis, dans un 2ème temps, il faut que la succession obtienne le certificat d’héritier, document officiel qui permet de renseigner le bailleur et au besoin résilier le contrat de bail. 

  • Y a-t-il des cas où les héritiers ne sont pas contraints d’honorer le contrat de bail de la personne défunte ? 

Il y a 2 hypothèses, l’une contractuelle et l’autre résultant des dispositions légales en matière de succession. Le premier cas consiste en la particularité que les parties ont prévu, contractuellement, un bail dont l’échéance est le décès du locataire. Il s’agit dans ce cas de figure d’un bail de durée déterminée et qui prend fin, sans qu’il passe aux héritiers, le jour de la survenance de l’évènement. Cette construction contractuelle, juridiquement possible, est rarement utilisée dans la pratique.   

La 2ème hypothèse, quant à elle bien plus fréquente, est celle où la succession est répudiée par les héritiers. En pratique, le montant dû par les héritiers entre dans la masse en faillite qui est traitée par l’Office des Poursuites et Faillites et qui clôture la succession. A défaut d’actifs suffisants, les loyers dus doivent être abandonnés par le bailleur totalement, ou partiellement pour les cas où une garantie de loyer existe.

  • Dans la mesure où les héritiers accepteraient la succession, peuvent-ils résilier le bail en tout temps ? 

Le législateur a prévu une possibilité de résiliation extraordinaire pour des héritiers qui peuvent dénoncer le contrat avec un préavis légal (3 mois pour un logement et 6 mois pour un bail commercial) pour le prochain terme légal qui en Suisse romande est le 1eravril, 1er juillet ou 1er octobre. Pour pouvoir invoquer ces dispositions, il est nécessaire de résilier pour le prochain terme légal dans un délai très court qui débute avec l’obtention du certificat d’héritiers. A défaut, les héritiers perdent la faculté d’invoquer ces dispositions et, comme il en ressort des réponses apportées, le bail passe définitivement aux héritiers. Cela implique que les droits et obligations qui découlent du contrat restent inchangés et que ce sont donc les mêmes règles que pour un locataire qui souhaite résilier qui s’appliquent. (Résiliation anticipée en proposant un repreneur ou résiliation ordinaire en respectant les délais de résiliation contractuels)

  • Qu’en est-il si les héritiers du locataire répudient la succession ? 

Le bail est en principe résilié par l’Office des Poursuites et Faillites et les clés du logement restituées par ledit office. Dans ce cas de figure, le bailleur devra respecter les dispositions en matière du Code civil, soit de laisser aux héritiers un délai (environ 20 jours) pour récupérer les biens personnels, même si la succession a été répudiée (Art. 573 CC) avant de procéder à l’évacuation des biens garnissant les locaux et pouvoir les relouer.

  • À partir de quand le délai de résiliation court-il pour les héritiers ?   

La succession ne peut, en principe, pas agir avant réception du certificat d’héritier. En pratique, on observe toutefois souvent une certaine flexibilité et, heureusement, du pragmatisme adapté à chaque cas, lorsque la volonté des héritiers est de résilier le bail. Il est à relever qu’un traitement particulier s’impose dans les cas où un délai très long s’écoule pour la succession avant de pouvoir agir. En effet, si les héritiers pressentis, ou l’un d’entre eux, souhaitent résilier le bail pour des raisons économiques, ils peuvent en cas de complication dans le cadre de la succession et l’obtention du certificat d’héritier, invoquer les dispositions du « nouveau » droit de la protection de l’adulte, entré en vigueur depuis le 1.1.2013. Ladites législation a repris, à l’art. 390 CC, une disposition générale qui permet à l’autorité de protection de l’adulte d’instituer une curatelle en raison d’absence. Dans ce cas-là, le Juge de Paix désigne alors un curateur de représentation selon les dispositions des articles 394 et 395 CC. Le curateur pourra ainsi agir et résilier le bail.

  • En cas d’héritiers multiples est-ce que le bail peut être repris par un seul des héritiers ?   

Non. Dans ce cas de figure, le bail doit être résilié par tous les héritiers et ce de manière anticipée, en proposant l’éventuel héritier intéressé en tant que repreneur. Relevons que le bailleur aura la faculté d’accepter le repreneur ou de libérer la succession de ses obligations sans louer l’appartement à l’intéressé.

uspi